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"Les chèvres meurent parce qu'elles ont faim."
7 juin 2012

Ce qui est dingue, c'est la précision avec

papillonuit

Ce qui est dingue, c'est la précision avec laquelle on peut se rappeler certains détails. Dans  les instants ou tout menace de s'écrouler la perception semble s'affuter, le regard devient muscle actif, cellule pensante. Le temps s'étire tellement qu'on peut sentir la poussière se poser sur la peau et repartir, le poids de l'air devient quantitatif, vos yeux s'ouvrent une deuxième fois, plus grands et plus tristes, prennent la place de votre cerveau dans un ultime instinct de survie. Il y avait eut une averse quelques minutes plus tôt, la lumière était moins blanche que durant l'après-midi, légèrement plus tiède mais toujours indécente pour une journée de juin. Je n'avais jamais remarqué que, juste après la pluie, les gouttes d'eau restaient accrochées sur toute la longueur de la rambarde en métal de notre terrasse. Elles formaient des notes de musique transparentes, pendues à égale distance les unes des autres, et, comme tout le reste, comme tout ce qui vit et qui meurt, n'attendaient que de s'écrouler.

Ce qui est dingue, c'est la contradiction totale entre toutes les sensations de votre corps. Machinalement, j'étais en train de me faire un café, que je voulais boire noir. Dans le même temps, je me rappelais qu'elle, le buvait ( le boit ? ) avec un peu de lait, et sans réellement m'en apercevoir je versais le lait dont je n'avais pas envie dans le café noir dont j'avais envie. Pendant que la cafetière entamait son ronronnement, mes yeux étaient jetés par la fenêtre comme des ogres affamés, et quelque part j'avais déjà conscience que j'étais en train de mémoriser la couleur des voitures garées sur le trottoir à cet instant. Juste au cas ou, tu comprends ? Parce que le temps s'étire, et que j'assiste à un de ces rares moments ou tout peut décider ou non de s'écrouler. Et toi, ce que tu fais dans cet instant magistral et infini, c'est du café au lait. L'absurdité de tout ça me passe très vaguement par la tête, mais il n'y a plus réellement de tête, seulement des yeux qui mémorisent. Les gouttes de pluies équidistantes, la voiture noire, puis la grise, puis la verte, et la déformation très légère que leur confère le verre épais de la vitre de la cuisine. Il est 21h11, une heure d'une tristesse infinie.

C'est je crois vingt minutes plus tard que tout s'écroule littéralement.

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Commentaires
P
C'est presque dommage, que les événements les plus sinistres poussent à la création, à l'engouement, alors que le bonheur ne pousse jamais à rien.<br /> <br /> <br /> <br /> Enfin merci à vous, ça aura au moins servi à ça. <br /> <br /> <br /> <br /> :)
H
Je plussoie. Un grand plaisir à te lire. Évasion...
B
"Il est 21h11, une heure d'une tristesse infinie.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est je crois vingt minutes plus tard que tout s'écroule littéralement."<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Vraiment magnifique ton texte...
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