Pourleschiensc'esttouslesjoursnoël
T'avais les yeux brouillés dans ton assiette. Sans être dedans. T'avais encore jamais compris l'histoire des moutons qu'il faudrait compter pour dormir. Tu pensais que plus tard, on aurait tout pigé. Qu'on en aurait fini avec les politesses en carton, et qu'on aurait des chaussures spéciales pour voler au lieu de marcher. T'étais persuadé, réellement, que t'allais leur montrer. A tous ceux-là, qui étaient bons en sport et que ça les faisait bien rire, de courir autour d'un terrain pourri sous la flotte, le lundi matin. T'avais lu des livres, dans lesquels le héros s'en sortait avec une de ces courrones sur la tête, énorme, et de la lumière divine, des nuages blancs sur un ciel bleu pastel. C'était évident, que la vie, serait comme les pages de ces livres. Oh. Le gros mensonge.
T'es coincé comme un rat. Tu tires de l'argent dans les murs, tu chourres du jambon à Lidl et ça t'excites tellement. Tu penses que c'est pas tout à fait perdu, parce que c'est rassurant. Autour de toi, y'à ces lumières aveuglantes, chaudes, quelques-unes seulement au mileu d'une foule d'ombres. Elles pensent aussi que tout n'est pas perdu, elles pensent qu'il existe un principe d'intensification dans chaque chose. Elles pensent qu'une table peut devenir un chateau, qu'un cailloux serait une pépite si tu sais par ou lui parler. Mais quand même, t'es coincé comme un rat. Tu bouffes des yaourts avec des morceaux, et c'est dégueulasse les morceaux, mais qu'est-ce que tu veux. Incroyable, ce que le monde peut proposer comme choses, comme produits dérivés de toi-même, et incroyable comme tu cours vite pour les avoir. Les être.
T'aimais bien t'allonger près du chien et dormir dans ses poils. Puis forçémment le chien est mort. T'aimais bien jeter le maïs dans le poulailler, ramasser les coings pour la confiture, courir à poil dans un jardin jamais tondu. T'aimais surtout ta balançoire. C'était ta porte, ton armoire, ton copain à la vie. A la mort. Tu grimpais dans le murier, salissais ton T-shirt, puis tu criais parce que tu savais plus descendre. T'avais peur de la petite lumière rouge sur le poste radio, la nuit. T'as bouffé du savon, brisé des porcelaines, collectionné des dizaines de cloportes, et tu adorais les bétises.
Maintenant, tu bouffes un yaourt avec des morceaux, et oui, bien sur, c'est dégueulasse. Tu fumes trente clopes par jour, t'as même pas envie d'arrêter, c'est quoi cette lubie de vouloir arrêter les choses ? Autour, c'est vrai, y'a ces lumières. Chaudes, précieuses, fragiles comme une tasse à café. Et la seule choses à faire, c'est de tout donner, pour ne pas qu'elles s'éteignent.